La tempête de 1999
Saâles, une commune au cœur de la tempête.
Saâles, unique bourg situé au sommet d’un col vosgien. Un col pris en étau entre la grande crête vosgienne et le massif du Champ du Feu. Un lieu où les vents s’engouffrèrent avec une force inconnue ce 26 décembre 1999.
Pour tous ceux présents, il y aura dorénavant un avant et un après Lothar. Marqués au plus profond d’eux-mêmes, leur perception des évènements climatiques extrêmes a été entièrement modifiée. Pas un coup de vent violent sans que l’on se craigne une nouvelle tempête. Pas un vent fort sans que l’on est peur pour la sécurité de ses proches. Pas de bourrasque sans que l’on envisage des toitures endommagées, un hangar détruit, des arbres abattus. Le vent est devenu un porteur efficace de mauvaises nouvelles avérées ou non.
Ce 26 décembre, nous nous sommes retrouvés coupés du monde. Plus de téléphone, d’électricité, les routes coupées par des centaines de sapins centenaires. Seuls face à l’adversité. Seuls à prendre en charge les difficultés d’une communauté d’un peu plus d’un millier d’individus et de quelques dizaines de vaches. En plein froid hivernal, il fallut trois jours durant assurer un minimum de chauffage à tous, assurer la traite des vaches, bâcher ce qui pouvait l’être, veiller au plus pressé, au cœur d’une forêt dévastée. Réconfort ? Le Washington Post illustra la tempête en Europe par une photo prise à Saâles.
Tous ceux qui ont véritablement connus cette tempête ne peuvent que soutenir la mise en place d’une taxe carbone. Le dérèglement climatique demande une mobilisation planétaire. Nous, qui avons dilapidé depuis des dizaines d’années nos ressources naturelles, devons être prêts aux sacrifices que l’avenir de nos enfants exigent.
En 4 heures de temps, la commune de Saâles a perdu 20.000 mètres cubes de bois et a vu son budget d’investissement réduit à néant.
Dix ans plus tard, la petite Sibérie alsacienne comptera à la fin de l’année plus de 400 mètres carré de panneaux solaires pour mille habitants. Sa chaufferie au bois lui permet déjà d’économiser près de 200.000 litres de fuel par an. Le permis de construire de dix éoliennes sur le ban de Saâles et de cinq communs.
L’hiver en montagne n’est pas toujours une saison très agréable avec son lot de verglas, de pluies givrantes, de neige, de froid humide. La fin d’année 99/2000 n’a pas échappé à la règle et la tempête du 26 décembre restera dans la mémoire de tous ceux qui l’ont vécue. Si les habitations ont été en grande partie épargnées, la forêt aussi bien privée que communale a été particulièrement touchée. Un mois après, seuls les accès principaux sont dégagés et les pertes à peu près estimées au moins 20 000 m3 et plus de 10 millions de Francs pour la seule forêt communale. Les plus beaux bois sont à terre. A ce jour, il est difficile de savoir combien vont être récupérables et surtout à quel prix ils vont être vendus.
A deux mois des échéances budgétaires, il est impossible d’esquisser le moindre budget prévisionnel. Je rappelle que le bois représente près de 60% des rentrées budgétaires.
La tempête nous rappelle qu’à l’heure de la mondialisation et du tout informatique, l’homme et ses technologies ne pèsent pas lourd face à la nature. La leçon sera-t-elle entendue ?
Mais la tempête a aussi été une belle leçon de solidarité. Qu’il me soit permis de saluer et de remercier au nom de toute la population l’ensemble du corps des sapeurs-pompiers. De la repose des tuiles à l’aide aux personnes âgées en passant par la traite des vaches ou le secours aux vacanciers en difficulté, ils ont été d’une disponibilité et d’une serviabilité totales. Merci aussi à la gendarmerie et à tous ceux qui n’ont pas hésité à rendre service.
Que faut-il faire maintenant ? Baisser les bras et abandonner tous nos projets ou faire preuve de combativité et de pugnacité afin de maintenir le cap ? La municipalité a choisi la seconde solution et se bat sur tous les dossiers. Depuis 5 ans, une journée nettoyage a été instituée. Elle aura lieu cette année le 18 mars. Afin d’impliquer davantage tous les saâlois, ne pourrait-on lancer une journée des paysages et de la forêt où nous pourrions tous œuvrer à l’amélioration de notre environnement naturel ? N’hésitez pas à nous faire part de votre avis.
Chronologie des évênements
10h30 – Depuis une bonne heure, des vents extrêmement violents s’abattent sur le col de Saâles. Quelques tuiles commencent à tomber. Les piétons se font rares. Au loin un épicéa se couche, suivi d’un autre. Spectacle insolite que l’on suit avec davantage de curiosité que d’inquiétude.
Soudain, derrière les toits, un nuage … de laine de verre, l’hôtel-restaurant « La Roche des Fées » n’a plus de toit. L’inquiétude gagne d’autant que la chute des tuiles se poursuit doucement mais sûrement. Les chapeaux de cheminées semblent s’être tous envolés.
11h00 – Le gendarme Bretzner, de repos, averti qu’un arbre s’est abattu sur sa maison aux environs de St Dié, descend le chemin de La Bonne Fontaine pour se rendre sur place. Un arbre barre la chaussée. Marche arrière. Un autre s’effondre lui interdisant le passage. Il a juste le temps de sortir de sa voiture et de courir jusqu’à la gendarmerie. Avec le lieutenant des pompiers Ibars, ils prennent aussitôt l’initiative de barrer la route nationale en direction des Vosges.
11h15 – Dans leur voiture, les automobilistes sont incrédules, inconscients du danger. Plusieurs d’entre eux tentent de contourner le barrage. L’un d’eux ne veut surtout pas être en retard à l’anniversaire de la grand-mère à St Dié.
Les tôles des garages de la gendarmerie menacent de s’envoler. La décision de se replier au centre du village est prise. Quelques secondes plus tard, le lampadaire d’éclairage public s’effondre sur la chaussée. Les tuiles continuent de voler, un sapin coiffe le toit de la micro-brasserie. Une porte de la batteuse s’est écroulée, une bonne moitié du toit a disparu.
La mairie est aussitôt ouverte pour accueillir les automobilistes fort nombreux, retour et départ de vacances obligent. Des boissons chaudes sont commandées. Le téléphone est bientôt coupé. L’électricité fait déjà défaut depuis le début de la tempête. Même les liaisons radio de la gendarmerie sont hors service. Trois ans après les pluies givrantes, Saâles est à nouveau coupée du monde.
14h30 – Le vent se calme un peu. Les pompiers font le tour des personnes âgées. La route vers Strasbourg est à nouveau dégagée. Les gendarmes, au péril de leur vie,
tentent de se frayer un chemin entre les centaines d’arbres abattus dans le col de Saâles afin de vérifier qu’aucun automobiliste n’a été pris dans la nasse. Une seule voiture, pas de blessé, un miracle.
16h00 – La tempête est terminée. Les gens sortent. La forêt offre un spectacle
hallucinant. Cette même forêt dont l’un des deux plus grands quotidiens américains le « Washington Post » publiera la photo pour illustrer la tempête sur l’Europe.
Les enfants ont vécu la tempête …
Il nous a paru intéressant de savoir comment les enfants de Saâles ont vu et vécu ce fameux 26 Décembre 1999. Tous les médias ont largement rendu compte des dégâts et conséquences humaines, matérielles et économiques de la tempête. Et les enfants ? Monsieur Wolff, le directeur de l’école primaire, a bien voulu leur proposer de s’exprimer et nous donner quelques textes. Nous vous les livrons avec tout le respect dû à la sincérité et à la naïveté de ces regards juvéniles.
Tristan 10 ans classe de CM1
Ce qui était bête, c’est qu’il n’y avait pas d’électricité, alors on ne pouvait pas regarder la télévision.
Suzanne 9 ans, CM1
Le jour de la tempête un pot de fleurs est tombé sur une voiture et, en plus, j’ai vu toute la scène. Mon papa était au tir, il est rentré à vélo et il a failli se prendre des tuiles sur la tête. Heureusement, il sait faire du vélo.
Pierrick 10 ans, CM1
Ma maison n’a presque pas été touchée, il y a eu 16 tuiles d’enlevées ? Mais mon tonton Monsieur Kastler, son toit a volé, son étang est abîmé, ses poissons sont morts.
Déborah 10 ans, CM2
La tempête a fait de sacrés dégâts, les tuiles de mon toit sont tombées sur la voiture de mes parents. Le pare brise avant s’est brisé. Toute la journée on a écouté la radio pour savoir quand cela se terminerait ;
Benjamin 10 ans, CM1
J’étais entrain de regarder la télévision et soudain il y a eu une coupure d’électricité. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu une rafale de vent. Mon père et moi regardions par la fenêtre pour voir si nos toits ne s’envolaient pas. Les sapins sont tombés sur le toit de notre voisin. Pendant trois jours nous avons joué au scrabble.
Luigi 10 ans, CM1
Je me suis réveillé parce que la fenêtre de ma chambre s’est cassée et j’ai senti le vent rentrer dans ma chambre. Je n’ai pas voulu me lever parce qu’il n’y avait pas d’électricité.
Marion 9 ans, CM1
Le jour de la tempête on n’avait plus d’électricité et on ne voyait rien. Mon père.(….) est sorti voir les dégâts. Quand il est rentré il a dit qu’une tuile était tombée sur le pare brise de la voiture.
Angélique 11 ans, CM2
Dimanche 26 Décembre 1999, la grande fenêtre de chez moi est rentrée dans la maison, elle n’était pas fixée. Mon père et ma mère ont tenu la fenêtre et mon grand frère a mis plein de choses devant pour qu’elle ne bouge plus.
Xavier 12 ans, CM2
Le jour de la tempête nous avons eu très peur. Nous avons eu des tuiles qui sont tombées du toit et pour ma grand-mère ce sont les chapeaux de cheminées qui sont tombés et des tuiles. Pour la dernière année de 1900 on s’en souviendra.
Aurélien 11 ans, CM2
Il y a eu de gros dégâts près de chez moi. Un hangar s’est écroulé avec trois voitures dessous. J’ai eu très peur, un arbre est tombé dans la cour de l’école de Colroy.
Vincent 10 ans, CM1
Mon frère et moi on jouait à l’ordinateur, soudain on entendit des tuiles tomber. Nous nous levons de nos chaises et nous allons regarder par la fenêtre. Soudain l’ordinateur s’est arrêté et s’est rallumé. A mon avis, il y avait eu une baisse de tension et ça s’est coupé.
Bruno 10 ans, CM1
On n’avait plus d’électricité et on n’avait plus de chauffage parce que ça marche à l’électricité. Alors j’ai mis trois pulls parce qu’il commençait à faire froid et j’ai bu un cacao.
Marie France 10 ans, CM1
Quand je rentrais avec mes parents le 3 Janvier 2000 dans les forêts d’Allemagne presque tous les arbres et les sapins étaient déracinés. C’était trop monstrueux.
Elodie 11 ans, CM1
Derrière chez moi il y a eu des arbres qui sont tombés. Comme il n’y avait pas d’électricité on s’éclairait avec des bougies.
Maureen 11 ans, CM2
Chez moi je n’ai heureusement rien eu à part la coupure d’électricité. Mais je m’inquiétais pour la petite sœur de Luigi, parce qu’ils n’avaient pas de chauffage.
Elodie 11 ans, CM2
La tempête a fait de sacrés dégâts et la voiture de mon père était cassée. Donc il ne pouvait pas nous ramener chez ma maman. Alors elle est venue nous chercher.
Léonard 10 ans, CM2
Un jour après Noël, matinée normale jusqu’à 10h30 – 11h…Coupure de courant immédiate : « Que se passe-t-il ? » . Le suspense dura longtemps mais, quelques minutes plus tard, des tuiles tombent, le chapeau de ma cheminée s’écroule sous mes yeux. Sans courant, seule consolation, regarder les tuiles tomber, jouer à un jeu de société, ou écouter la radio.
Priscilla 11 ans, CM2
Nous avons vu la tempête du siècle. Cette tempête nous a fait très peur . A ce moment-là, nous étions chez mes grand-parents où ma tante nous a rejoints et pour ne pas s’envoler, elle a dû s’accrocher à un lampadaire.